vendredi 22 juillet 2011

J'espère qu'il me fuit

Même le loup a ses moments de faiblesse, auxquels il se met du côté de l'agneau et pense : j´espère qu´il me fuit.

Adolfo Bioy Casares  

Cela fait six mois que je n'ai pas eu de nouvelles d'Emma, je ne m'inquiète pas. Au départ j'étais dans un terrier et une pellicule de tristesse s'était déposée sur ma peau, elle faisait partie de moi, elle n'était plus une anomalie du comportement : je n'étais pas triste, j'étais la tristesse. Pas de démonstration, les larmes ne viennent pas, les cris non plus et la colère n'en parlons pas. Au départ je suis resté chez moi à lire ses livres pour comprendre qui elle était, ces auteurs anglo-saxons qu'elle aime tant: Woolf, Austen, James, Dillard, Fante, Kerouac. Comprendre quelqu'un à travers ses lectures est chose périlleuse, on est tenté de tout interpréter par ce prisme et de tomber dans la psychologisme. Je pose donc Mrs Dalloway sur le sol, arrêtant cette traque absurde par la littérature. Je peux entrevoir pourquoi elle est attirée par les anglo-saxons néanmoins mais ça n'explique pas pourquoi elle est partie.
A la suite de cela, j'ai décidé de partir à sa recherche, voir les endroits où elle a vécu, où elle a aimé vivre, où nous sommes allés. Je commence même à prendre plaisir à cette poursuite bien qu'elle ne joue pas à disparaître et qu'elle ait pris unilatéralement la décision de s'en aller. Je suis comme le loup de Casares: je souhaite la revoir mais par faiblesse et aussi par peur j'espère qu'elle me fuit.

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